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Décision logique et intuition : la célèbre "expérience Linda"

Vous êtes plutôt décision logique ou décision intuitive ? Nombreux sont les cas où logique et intuition entrent en conflit. Illustration avec une célèbre expérience de sciences sociales signée Daniel Kahneman.


Décision logique et intuition dans l'expérience dite "Linda"
Décision logique et intuition






A propos de Linda : "quel cas de figure vous semble le plus probable ?"

Voici une description de Linda.


"Linda a 33 ans, elle est célibataire, ne mâche pas ses mots et est très intelligente. Elle est diplômée en philosophie. Quand elle était étudiante, elle se sentait très concernée par les questions de discrimination et de justice sociale, et avait également pris part à des manifestations contre le nucléaire."


Quel cas de figure vous semble le plus probable ?


1. Linda est employée de banque.

2. Linda est employée de banque et est active au sein du mouvement féministe.

Suite au post LinkedIn du 24/03/2020, 50% d’entre vous ont choisi la réponse 2, et 50% la réponse 1. Egalité parfaite !


La cas le plus probable est... le cas 1 : "Linda est employée de banque"


Pourquoi ? Parmi les femmes employées de banque, certaines sont actives au sein du mouvement féministe, et d’autres ne le sont pas. Le groupe « femmes employées de banque et actives au sein du mouvement féministe » est donc un sous-ensemble du groupe « femmes employées de banque ».


Il est donc statistiquement plus probable que Linda soit « employée de banque » que « employée de banque ET féministe ».


Décision logique et intuition : un raisonnement qui va à l’encontre de la logique


Mais alors pourquoi êtes-vous nombreux à tomber dans le piège, y compris certaines personnes à l'aise avec les statistiques ?


Cette même expérience a été menée auprès d’un grand nombre d’étudiants de plusieurs grandes universités aux Etats-Unis*, et près de 90% d’entre eux choisissaient la réponse 2 : "Linda est employée de banque et est active au sein du mouvement féministe".


Une affaire de stéréotype


Linda vous a été brièvement présentée comme une femme intelligente, indépendante, progressiste et engagée. Je vous l’accorde, Linda correspond assez peu au stéréotype de l’employée de banque.


C’est la raison pour laquelle le fait d’ajouter la précision qu’elle est « active au sein du mouvement féministe » rend la proposition plus cohérente avec la représentation que nous nous faisons de Linda.

Un conflit entre l’intuition et la logique


Or notre intuition et nos jugements immédiats qui en découlent, s’attachent surtout à la cohérence de l’histoire qu’on nous raconte.


Cette énigme suscite donc un conflit entre l’intuition et la logique. Cela a pu, d’ailleurs, générer un sentiment d’inconfort chez certains d’entre vous.


L’intuition se base sur la représentativité : quelle description me semble la plus plausible, la plus cohérente avec ma représentation de Linda ? Alors que la logique se base sur la statistique : j’estime et je compare les probabilités des deux propositions.


Et si on ne se méfie pas, on a tendance à confondre probabilité, plausibilité et cohérence de l’histoire.


Pourquoi avez-vous fait mieux que les étudiants américains de l’étude originelle ?


Il y a fort à parier que le fait de vous présenter ce problème comme une « énigme pour découvrir les cheminements étonnants de notre pensée » (dans un post LinkedIn) a activé votre vigilance, et a renforcé votre propension à donner une réponse réfléchie, et non purement intuitive.


Sans parler du soin qu’on apporte à formuler une réponse quand on sait qu’elle sera visible de tous sur un réseau social.


Par ailleurs, une forte proportion des participants à cette énigme ont des formations scientifiques et donc une certaine aisance avec les statistiques.


Néanmoins, vous restez 50% à avoir choisi la réponse 2. Oui, dans énigme, il faut faire preuve d'un un vrai effort de réflexion pour se détourner de la proposition 2 (qui nous semble la plus cohérente), et estimer la proposition la plus probable par un raisonnement logique.


Le piège des « prévisions »


Ce biais de raisonnement a des effets pernicieux lorsque nous voulons faire des prédictions, ou que nous écoutons celles des prévisionnistes et autres experts. On a tendance à croire un scénario « plausible » (c’est-à-dire une histoire détaillée et cohérente), et à négliger d’évaluer si ce scénario est statistiquement probable.


Un chercheur a consacré un grande partie de sa carrière à comparer les prédictions des experts avec les faits réellement advenus : la plupart des experts ne font pas mieux que le hasard, surtout en matière de prédictions politiques et financières à moyen ou long termes**.


« La prévision est difficile surtout lorsqu'elle concerne l'avenir »

Nous devons cette formule pleine d’espièglerie et de bon sens à Pierre Dac. Grâce à Daniel Kahneman et consort, nous en avons maintenant des preuves solides !


Sources


* Système 1, système 2, les 2 vitesses de la pensée, Daniel Kahneman, chapitre 16, p.240 à 255.

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